vendredi 27 juillet 2012

Perdu dans les Champs


Il est important dans une recherche personnelle de ne pas se perdre dans la technicité de l'enseignement et de savoir garder ses vrai buts devants soi.

Quelque soit la Voie, elle propose des techniques de progression pour réussir son évolution : il est possible de se retrouver à parfaire les techniques de son école en oubliant sa propre progression.

Il n'est pas besoin d'être un bon représentant de son école pour être un bon pratiquant, il n'est pas besoin d'être un bon pratiquant pour être heureux et être heureux ne demande qu'une bonne connaissance de soi et de son monde... Ce qui est expliqué dans sa Voie.

Quels sont les facettes de la découverte de soi ?

Il y a le corps qui se doit d'être fermement enraciné dans la réalité du physique, qui doit être détendu et souple, tout en restant fort et durable. Un corps qui se doit d'être le plus possible en liaison avec son souffle et son esprit. C'est le travail du corps.

Il y a le souffle qui est en liaison avec les émotions, qui doit circuler librement pour que tout aille bien. La prise de conscience de cette circulation générale permet sa fluidité. C'est le travail du souffle.

Il y a l'esprit qui est moins connu que ce que nous croyons : le fait même de connaître son fonctionnement interne par expérience personnelle nous permet de mieux vivre avec notre esprit. Cet apaisement par la vigilance est le travail de l'esprit.

Donc, il faut se bouger un peu (en tout cas avec conscience), respirer avec attention et se regarder penser... et c'est tout!

Toutes les techniques avancées ne sont que des moyens pour toucher ces qualités d'une manière ou d'une autre...les techniques doivent être dépassées pour être utiles. Aucune pratique qui repose sur une technique n'est à son stade final, l'aboutissement doit toujours être dans le naturel, dans le vivant, dans le simple.

Mais c'est un naturel éduqué, travaillé, poli.

Attention à la recherche de la technique secrète ou avancée ou encore à la focalisation sur l'outil plutôt que sur le but : la Voie est longue, il n'est pas utile de la rallonger ou de lui ajouter des chemins de traverse.

Revenez au simple, comprenez le piège de la technique secrète et libérez vous de l'attente du caché... Il n'existe pas: ce qui est caché dans votre pratique est quelque chose qui est déjà devant vous et que vous n'avez pas encore compris.

C'est là l'utilité du maître.

En effet, si tout est si simple, pourquoi ne pas faire un séminaire d'une heure et tout dire clairement, tout le monde dit «ah oui, c'est donc ça» et il ne reste plus qu'à pratiquer dans son coin.

Le problème pour le pratiquant, c'est que ce qui se passe durant sa pratique va le distraire de sa voie, un peu comme un simple d'esprit sur un sentier avec des papillons: il passe son temps à regarder, chasser et comparer les papillons au lieu d'aller où il est supposé aller.  C'est pour cela que beaucoup de pratiquants isolés par choix ou par volonté de ne pas s'engager, vont devenir experts en papillons, perdu dans les champs, mais fermement persuadés de leur évolution. La grande force du simple d'esprit c'est la faiblesse de sa lucidité étayée par une grosse dose d'illusions diverses.

Le maître va le remettre sur le chemin, lui remontrer  où il doit aller, écouter ses divagations avec patience, lui remontrer où il doit aller et le rassurer sur ses performances, en lui remontrant où il doit aller.


Retournons au travail important, au travail simple de sa réalisation et ne perdons pas notre Voie, notre chemin.

Le professeur est la pour nous guider, mais nous faisons seul le chemin.

mardi 22 mars 2011

“Fais ton ami de ce qui est le meilleur en Vertu”




Bien souvent, nous connaissons mieux les défauts que les qualités, nous connaissons les « péchés capitaux », mais pas les vertus.


Si les défauts capitaux, ceux qui donnent naissance à tous les états émotionnels pathologiques, doivent être surveillés, le plus efficace est de se focaliser sur les vertus correspondantes.


En faisant attention à son comportement, en comprenant ce que l’on cherche, il sera facile de fonctionner mieux et de façonner un monde plus agréable.


Quand on regarde les stoïciens, de Zénon à Marc Aurèle, l’enseignement « sous le portique » prône les vertus comme source du bien vivre ensemble, mais aussi du bien vivre sa vie.


La dérive morale, plus pour le bien de la société que comme accomplissement personnel de Kongfu Zi, illustre la limite de l’enseignement des vertus : si c’est seulement « parce qu’il faut », la perte du développement personnel laisse place à une façon de contrôler le peuple.


Lao Zi, Zhuang Zi et Lie Zi conseille les vertus comme accomplissement personnel, comme imitation de « la Voie du ciel », pour s’approcher du plus grand et faire évoluer le monde.


La chrétienté parlera des 7 vertus, théologales et cardinales, divines et morales, mais dans le but d’éviter l’enfer…


L’idée, dans la prise de conscience de ces vertus, est de se comporter plus justement pour que le monde autour de soi devienne plus harmonieux, plus en résonance avec ce que nous sommes vraiment.


Les vertus sont liées aux « Ombres » et permettent de s’en détacher.


Dans l’association des parties de l’esprit, des défauts et des vertus, nous avons un mode d’emploi pratique pour vivre sa vie le plus joyeusement possible dans un effort de progression. La relation avec les hexagrammes du Yi Jing et les pratiques de l’école nous guide avec plus de précision.


L’esprit équilibré, centré et apaisé nous amène à une vie plus disponible pour nos proches et même notre travail.


Voyons ces vertus ensemble :


Fides


C’est ce qu’on peut voir devant soi, ce qui est la croyance de notre perception. C’est le « Pistis » de Socrate, la partie visible des choses manifestées et source de notre jugement.


Il est important de rester en contact avec la réalité du monde pour ne pas se perdre dans les méandres de notre imagination.


Cette croyance commune, cette perception partagée par le plus grand nombre, nous donne une base commune : même si cette réalité va s’avérer plus fragile qu’au premier abord, elle permet un repère important.


Que le développement personnel soit important ou pas, que la santé soit la motivation ou que la voie soit une expression de ma recherche spirituelle, la réalité du monde est devant nous et nous ne pouvons pas l ignorer.


Pour travailler dans une voie spirituelle réelle, nous devons garder un contact avec le monde dans lequel nous vivons et assumer nos responsabilités : la fuite dans une pratique d’isolation n’est pas une solution, nous vivons dans le monde.


Donc, « fides », c’est être responsable dans sa vie de tous les jours pour pouvoir se consacrer aussi au spirituel : c’est la racine de mon incarnation qui me permet une élévation.


Pour être un être humain complet, dans le monde d’aujourd’hui, il est important de s’assumer et de regarder le monde comme on regarde le ciel.


Négliger le réel est trop souvent une fuite ou un abandon, par faiblesse ou par peur, mais qui ne peut pas aller vers un équilibre profond de l’être.



Spes


Comprenant le monde, à l’image de la « Voie du ciel », il nous est possible de savoir que tout va bien se passer.


C’est loin de l’espoir malade, cette « peur qui a mal tourné » disait Trungpa, mais plus proche de la constatation par espérance.


Ayant en mémoire les moments pénibles de ma vie, il est possible de réaliser que tout va mieux : le monde va dans le bon sens, dans le sens de la résolution des déséquilibres : en revanche, parfois, la résolution des déséquilibres peut être abrupte.


Spes, c’est la clarté de l’esprit entrainé : il voit que les changements du monde portent l’homme vers une résolution des problèmes, vers une évolution dans un sens positif.


Plus nous constatons les possibilités de notre esprit et la cohérence du monde, plus nous pouvons adhérer au fait que « tout va bien se passer ».


Les stoïciens disent que « l’espérance est un désir qui ne dépend pas de nous », que c’est un désir dirigé vers les changements du monde pour une réalisation.


Aristote parle de « Spes » comme la réalisation de celui qui connaît le monde, la clarté de l’esprit montre la voie d’un monde juste : la justesse est-elle la réalité ou le résultat du comportement du chercheur ?


Spes, c’est la confiance dans la Voie du Ciel ou tout va dans le bon sens, c’est aussi l’abandon dans sa voie et dans sa vie, l’acceptation de ce qui est et la réaction contre ce qui peut se changer.



Caritas


Par reconnaissance de soi dans l’autre, c’est une vraie volonté d’aider l’autre par égoïsme.


Nous sommes ici loin de la compassion, « cum patior » ou « je souffre avec », qui est l’idée de partager tendrement les malheurs avec les autres : nous souhaitons aller bien avec les autres.


Nous parlons ici de la capacité d’agir justement par une vision de sa nature, de ce que nous sommes vraiment.


Cette réalisation de notre voie nous guide vers une direction pour notre vie : c’est ensuite à nous de suivre ce chemin ou non.


Chaque fois que nous suivons notre nature, que nous allons dans le sens de ce que nous avons compris de nous- mêmes, nous allons dans le sens de Caritas.


Caritas est aussi dirigé vers nous : nous devons nous respecter dans nos choix, ne pas aller dans le sens inverse aussi bien avec nous-mêmes qu’avec les autres.


Pythagore dit dans ses vers dorés :

« Et ne pratique de chose honteuse jamais, ni avec un autre, ni en particulier ; Mais plus que tout respecte-toi toi-même. », c’est Caritas !


Le respect de sa vie et des autres, comme une partie de nous, c’est la liberté de s’exprimer justement dans la vie : prendre la place qui nous revient sans empiéter sur celle des autres.


Suivre les signes de la vie, accepter d’écouter ce qui est au plus profond de nous et se fondre dans les changements du monde, voilà comment agir pour façonner une vie qui va laisser de la place pour la transmutation que cherche le pratiquant.


Caritas est agir en fonction de ce que l’on a compris de sa vie et de son être : il est important de réfléchir avant de s’emporter dans des actions sans direction.


« Ne fais rien de ce que tu ignores, mais apprends tout ce qu'il te faut et c'est la plus agréable vie qu'ainsi tu passeras”, nous rappelle encore Pythagore.


Fortis


Nous sommes ici dans la force, le courage de faire dans le monde. Accomplissement que nous cherchons, c’est agir dans le sens de nos valeurs, défiant les limites imposées par le monde.


La reconnaissance de ce qui est juste est mise en mouvement par notre force intérieure.


Cette force d’action va nous permettre d’agir dans le monde et de faire progresser la Voie au sein de nos groupes : c’est notre contribution au monde.


Nous sommes là dans l’importance de faire si nous le voulons, pas seulement de prévoir de faire.


« Habitue-toi à mener un genre de vie pur, sans mollesse”, Pythagore le dit : sans mollesse, avec un passage à l’action.

Dans le jugement et les fantasmes, nous pouvons nous retrouver à prévoir et à construire, sans vraiment faire quoique ce soit.


Passer à l’acte, agir, sans avoir peur du monde, confiant de notre propre force et de la justesse de nos valeurs.


Une des meilleures manières de calmer l’esprit, c’est de passer à l’action le plus vite possible après chaque planification : en permanence en action, l’esprit s’apaise.


La peur est aussi une limite à l’action : en effet, c’est l’anxiété de notre faiblesse qui nous limite dans nos gestes.


Pour dépasser nos peurs et aller dans le sens de notre recherche de perfection, il est nécessaire d’agir, de manifester notre intention.


Fortis nous permet de nous réaliser dans la réalité et de ne pas seulement penser, mais aussi d’agir : cette action est l’effort que nous devons faire pour être vrais dans nos propos.



Temperantia


« Appliquez vous à garder en toute chose le juste milieu », cette recherche de l’équilibre permet de ne pas se perdre dans l’excès. Kongfu Zi, comme Pythagore et Aristote, nous encourage à ne pas nous emporter, en rien, pour conserver notre force au centre.


Perdre son centre, « s’émouvoir » du latin emovere, c’est se laisser déborder par les émotions.


S il est important de vivre pleinement ses émotions, il est nocif et dangereux de se laisser chambouler par celles-ci : c’est la cause la plus importante de maladie interne dans la médecine taoïste et chinoise.


Pour combattre « hubris », la démesure, les anciens philosophes grecs nous conseillent la tempérance comme qualité première.


Les vers dorés nous disent « habitue-toi à maîtriser celles-ci : l'estomac tout d'abord et le sommeil ainsi que la sexualité et l'emportement », voilà pour les conseils de tempérance.


Le Tao nous enseigne de ne pas avoir de limites, mais que cette absence de limite soit équilibrée… voilà de quoi occuper celui qui veut saisir ces concepts par l’esprit mental.


Tout est bon et rien ne se juge comme mauvais, mais il faut chercher à trouver un bon équilibre dans nos différentes actions.


Ces actions dépendent directement de nos valeurs d’interaction avec les autres : que ce soit à deux ou à deux mille.


Prudentia


C’est l’arme principale pour atteindre l’ataraxie des stoïciens, l’absence de passions négatives, l’équilibre des émotions.


C’est l’introspection qui va permettre de comprendre, d’assimiler les concepts et de percevoir les actions à entreprendre.


Cette « clairvoyance » permet de comprendre les changements à venir, par la vision claire du moment présent.


Connaissant et appréciant les signes du monde, ayant l’habitude de l’introspection, nous pouvons déduire les changements du monde par notre connaissance du Yi Jing appliqué au réel.


Les passions et les émotions de longues durées ne peuvent nous blesser si nous les voyons arriver : nous devons juste rester vigilants pour respecter cette prudence permanente.


Attentifs à nos perceptions, présents au moment que nous vivons, notre quotidien se transforme sous l’effet de la conscience et nous comprenons les choses du monde.


Cette qualité est la plus facile à comprendre, la plus importante pour le travail quotidien et celle dont nous parlons le plus souvent : attentifs au monde, à nos perceptions et à notre interaction avec les autres, les changements du monde nous sont familiers.


La connaissance de soi, de la voie de l’homme, nous donne une idée de la Voie du ciel : ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, nous dit Hermes.


Cette qualité est l’introspection constante et soutenue par notre vigilance.


Sinceritas


L’intégrité de se comporter en parfaite adéquation avec nos valeurs et la perception que l’on a de sa nature profonde.


C’est la planification du passage à l’acte simple du' quotidien, en cherchant à respecter le plus possible l’image idéale de soi, celui que l’on voudrait être.


Nous ne sommes pas là uniquement dans l’intellect, mais nous sommes dans la vision claire de notre idéal par une disponibilité attentive.


Dans la pratique de la voie, il n’y a pas de raison de ne pas faire ce que nous savons juste : le fait de ne pas le faire peut nous amener frustration et irritabilité, mais suivre nos valeurs nous rend disponibles au monde.


Faire ce qui doit être fait, accepter d’aller dans le sens de notre « légende personnelle », c’est se donner la disponibilité pour accueillir les manifestations et les phénomènes.


Nous devons ici développer une capacité à être simplement qui nous avons appris à connaître : moins nous prétendons, plus nous sommes clairs avec nous-mêmes et les autres et plus nous donnons de la place à la lumière pour nous transformer.


Dans cette simplicité vraie, nous ne nous laissons jamais emporter, nous sommes justes et notre monde nous apparaît donc juste aussi.



Justitia


“Suum cuique tribuere”, attribuer à chacun sa part : voilà la vision d’Aristote.


Justitia, c’est l’espace donné à chaque humain de se réaliser, dans la société.


Dans l’idée de la société Socratique parfaite, le groupe s’organise pour fonctionner avec une acceptation des particularités de chacun, mais dans le respect des « lois de la cité », des règles de la société.


Socrate parle de la « justitia » comme la médecine de la société, l’équilibre et l’osmose qui permet de garder la santé des groupes humains.


Pour l’humain il faut respecter les règles naturelles, la chronobiologie et une certaine hygiène de vie et pour la société, il faut accepter les autres, mais dans le respect du groupe et du lieu.


Pythagore : « Ensuite exerce la justice et en acte et en parole et de te comporter en tout sans réflexion ne prends point l'habitude ; Mais sache que mourir est la destinée de tous » : en étant attentif à la réalité, chaque chose se doit d’avoir une place évidente.


Si nous ne prêtons pas trop d’importance à notre ego et à notre recherche de plaisirs ponctuels, nous savons où est la part juste pour chacun.


Laissons chaque chose à sa place et n’acceptons jamais de fermer les yeux sur ce qui n’est pas à sa place : nous savons quand c’est injuste et nous nous devons d’agir si nous le pouvons.


Parfois il est important de s’exprimer pour être honnête dans le monde, c’est un test de nos peurs et une confrontation à une réalité que nous ne percevons pas comme droite.


Apprenons à nous manifester plus dans les moments ou c’est nécessaire, trop souvent nous n’osons pas et c’est là tout le travail.



Nous voilà armés de nombreux efforts à faire en permanence dans notre vie, avec ces informations, il ne nous est plus possible de ne pas faire évoluer notre quotidien.


L’enthousiasme à travailler ces qualités ne se trouve que dans une démarche complète et sous le couvert d’une voie globale, mais nous pouvons tous garder ces informations en mémoire pour vivre plus consciemment.


Travaillons ces qualités pour nous permettre de nous perfectionner et de faire évoluer notre monde dans le bon sens.


mercredi 16 mars 2011

Les Chemins de l’Ombre




Il est utile de savoir regarder les différentes traditions si on est maitre de la sienne ou au moins un expert dans l’enseignement que l’on suit.


Les qualités à travailler, la recherche de perfection, ont toujours demandé chez l’Humain, les mêmes efforts.


Regardons par exemple les sources d’émotions négatives chez Evagre (4em siècle), qui reprend l’enseignement d’Origène (autour de 200AD), mais aussi l’école de Pythagore (500 BC) ou de Lu Yan (600 BC).


Il y a 8 sources de « Passions négatives » :


  • Ira (la colère)
  • Invidia (l’envie)
  • Superbia (l’orgueil)
  • Tristitia (la tristesse)
  • Gula (la gourmandise)
  • Somnia (le rève)
  • Fornicatio (la luxure)
  • Acedia (la Paresse)


Ces émotions sont à l’origine des autres sentiments négatifs, il sont l’origine dont les autres passions découlent : de là leur noms « caput », la tête.


Ainsi ces « péchés » capitaux ne sont pas fonction de leur gravité, mais de leur indentification comme cause originelle : à ne pas confondre avec les péchés mortels et véniels.


Les « poisons de l’esprit » ou les « gui » sont aussi une vision de ces 8 défauts originaux qui sont à l’origine des autres.


La compréhension du mécanisme de ces émotions, par une étude et une expérimentation personnelle, va nous permettre de dépasser nos comportements pathologiques.


Ira : la colère


La colère est une émotion qui vient de la frustration de ses pulsions et de l’impossibilité de réaliser ses attentes.


La blessure qui découle de cette frustration va révéler une émotion négative violente qui peut être exprimée ou pas : la colère s’exprime ou se réprime.


Les modifications physiologiques sont néfastes à long terme et sont dangereuses si nous y sommes régulièrement confrontés.


Augmentation du rythme cardiaque, afflux sanguin vers le haut du corps (la tête entre autre), amplification de l’activité respiratoire et une contraction incontrôlable des muscles du corps qui créent des tensions à tous les niveaux (poings qui se crispent, mâchoires serrées,...)


Limitant l’humain dans son écoute du monde et des autres, la colère empêche d’appréhender la réalité et nous fixe sur des préoccupations égotiques.


Il devient impossible de savoir quoi faire ou comment agir, notre seule obsession étant la résolution de la frustration qui nous cause cette souffrance.


Aristote nous dit que la colère est une des 7 causes de toute action humaine et que c’est la pire des façons de faire : la colère étant parfaitement imperméable à la raison.


Les stoïciens considéraient la colère comme une folie passagère ou l’on devenait quelqu’un d’autre.


Pythagore nous met en garde contre l’emportement, un des quatre dangers majeurs à réguler.


Pour dépasser ce « poison de l’esprit », il est important de se questionner sur la direction que doit prendre sa vie : dans une idée plus claire des buts de sa vie, par une vision réelle de sa place dans le monde, le sens de l’humour Cosmique nous garde de l’emportement.


Instruit, par introspection, sur sa vraie nature, son chemin de vie, la colère est bénéfique parfois pour se révolter contre l’injustice, contre l’inacceptable : c’est une colère directive et réactive en fonction de ses valeurs, c’est de l’indignation.


La colère peut être yin ou yang, passive ou active, exprimée ou rentrée : plus elle est yin, plus elle fera souffrir le corps ; plus elle est yang, plus l’esprit sera obstrué.


Invidia : l’Envie


L’envie est une émotion négative qui est une volonté de posséder ce qu’un autre possède ou au moins que l’autre perde ce qu’il a que nous désirons.


C’est une comparaison avec l’autre, une impossibilité de se connaître clairement et donc de se projeter dans la possession pour se « remplir ».


Liée à un déséquilibre narcissique, a une mauvaise façon de se voir, de se comprendre, elle est une projection du mental qui découle d’une abominable image de soi.


La jalousie vient de l’envie et ce sentiment compromet la connaissance de soi.


C est une confusion entre l’objet de désir et l’image de soi, le regard vers l’autre et le regard sur soi. L’envie va paralyser son évolution globale en remplaçant l’évolution personnelle par la collection d’objets de substitution.


Aristote dit que l’envie est directement liée à la perception du bonheur affiché des autres (même si celui- ci est faux) et qu il est possible d’y échapper en se focalisant sur soi (en laissant les autres tranquilles).


Par expérience directe, nous cherchons à nous connaitre et quand notre mental acceptera ce que nous sentons, alors l’envie disparaîtra.


Superbia : L’Orgueil


Bien loin de la racine latine « prodis », qui rend l’homme « utile » et du vieux français « preux », qui décrit le chevalier courageux, l’orgueil est un sentiment dirigé sur soi : c’est une mauvaise vision de ses qualités et de ses aspirations par la confusion entre fantasmes et actions.


L’orgueil est une perception malade de soi, une perte de réalité à cause d’une différence entre la vision rêvée de soi et le rapport à son ego.


L’ego démesuré influence l’intuition et la perception de soi, la croyance remplace la perception.


C’est aussi la croyance en ses qualités exceptionnelles et en sa différence non ordinaire : une volonté de croire en son destin et en ses capacités magiques.


L’orgueil va nous empêcher de nous percevoir réellement, c’est aussi un mécanisme de défense très puissant pour échapper à la prise de conscience de ses défauts et de ses manques.


Le travail de l’intuition, le fait de laisser de la place aux signes et aux mouvements du monde, tout cela va nous permettre de dépasser notre limitation égotique.


Tristitia : La Tristesse


La tristesse est l’attachement aux choses, l’impossibilité de se séparer et de faire son deuil de la perte.


Dans certaines traductions, la tristesse devient l’avarice : en effet, dans les faits, l’avarice est ce qui cause la tristesse dans la séparation de ses biens.


Cette impossibilité de vivre correctement le partage, la séparation avec ses possessions, elle est liée à l’image de son ego et a l’attachement à celui-ci.


La peur de la disparition de son individualité, l’angoisse de ne pas être assez important, nous pousse à amplifier la force de l’ego avec des acquisitions.


Chaque séparation, chaque dépense et chaque partage sont une déperdition de la force de son ego.


La tristesse, même dans le deuil, est bien souvent une émotion très égoïste : nous sommes tristes de ce que l’on ne pourra plus vivre avec l’autre.


La séparation nous diminue, nous nous attristons de la perte que nous subissons.


La prise de conscience de la dissociation de soi et de son ego, l’expérimentation des limites de nos croyances, l’exposition au neuf, tout cela va nous permettre de clarifier notre rapport à ce qui n’est pas nous.


Gula : La Gourmandise


Le problème ici n’est pas le sens moderne de la gourmandise, mais le fait de faire passer le mondain avant l’important.


C’est la perte de repères par l’attrait de ce qui est « sucré », doux et brillant.


Pythagore nous dit « domine le ventre » : c’est l’idée de ne pas être dépendant de ses envies ni de ses pulsions.


L’importance de la satisfaction du corps, dans la nourriture, est souvent une fuite du rapport à soi, une façon de remplir un vide non matériel ou encore un moyen de défense contre l’anxiété.


Ces habitudes alimentaires sont dangereuses pour la santé physique et nous empêche de percevoir la vérité.


Une alimentation névrotique embrume notre esprit et nous oriente vers des choix pathologiques : nous perdons toute disponibilité dans la poursuite de cycles de plaisirs ponctuels.


Somnia : Le Rêve


Somnia représente les fantasmes, les constructions mentales projetées dans le futur ou ancrées dans le passé.


Prenant sa source dans l’imagination et les projections, le bruit du mental nous empêche d’apprendre et de comprendre.


Préférant interpréter plutôt que qu’écouter, supputer au lieu de demander, nous avons une grande capacité à transformer ce que nous percevons.


Tant que le mental n’est pas apaisé, que nous ne connaissons pas le mouvement des pensées, il est impossible d’accéder au réel.


Préférant notre « rêve », nous échappons à la rudesse de l’éveil.


Pythagore et Aristote nous mettent en garde contre l’outil mental : il s’emballe et nous fait croire ce qui est acceptable en chassant la réalité qui dérange.


Par le ressenti et les exercices de méditation, nous calmons l’esprit pour arriver à un silence relatif, à une acceptation de nos mécanismes internes.


Fornicatio : La Luxure


L’énergie de l’acte sexuel est très importante dans les traditions anciennes, il est souvent considère comme un acte sacré.


Le souci, ici, est de ne pas devenir dépendant de la sexualité, de ne pas subir ses pulsions.


Dans la vision taoïste, la sexualité non contrôlée est source de maladie et de faiblesse des reins.


Pythagore le cite comme un des quatre aspects à surveiller pour se distinguer des animaux.


Dans l’arbre de vie de la Kabbale, c’est le premier passage vers une possible évolution spirituelle : rien n’est possible si l’attrait de la sexualité me retient dans le matériel.


Bien souvent, pour une satisfaction de sa sexualité, les valeurs morales volent en éclats et les idéaux sont oubliés.


C’est une force puissante qui doit être domptée pour aller dans le sens de la pratique, pas en opposition.


Cet aspect de nos défauts, très similaire à la Gourmandise, régule notre attachement à notre force instinctive : c’est une façon de ne pas pouvoir échapper à l’importance de notre ego.


Acédia : La Paresse


Il y a deux informations très importantes ici : la paresse vient de l’ennui que nous pouvons éprouver par inconscience et du manque de soin que l’on s’apporte qui crée la perte d’intérêt pour la vie.


Il y a trois sortes de paresses : celle ou nous ne faisons rien, celle ou nous ne nous jugeons pas capables de faire (ce qui nous disculpe de ne pas faire) et la paresse ou nous nous distrayons pour éviter de faire ce que nous devrions faire.


« Akédeo » c’est ne pas prendre soin de soi, le manque d’action et de passage à l’acte dévalue l’estime de soi.


En ne faisant pas, il nous est impossible de valider dans la réalité ce que nous pensons de nous-mêmes.


C’est une source d’anxiété, nos actions sont alors réduites par nos peurs : sans confrontation à nos limites, nous ne pouvons pas nous « dépasser ».


Cette paresse est également le fait de ne pas regarder vers le plus grand : enfermé dans une vision mondaine du monde, sans jamais se poser de questions sur sa vie ou la voie à suivre.


Dans la vision des mystiques de l’ancien monde, vivre sans le divin, accepter de réduire la vie à un passage sur terre sans sens : c’est l’acedie, une vie ou on ne prend pas soin de tous les aspects de l’être, une vie ou on néglige l’âme.


L’attention à la source de l’être, la tentative de comprendre sa réalité complexe, c’est la disparition de l’ennui et la prise de conscience de sa partie absolue.


Par l’ouverture de la Porte de la Vie, foyer inférieur de la Vallée de l’Esprit, la partie cachée de son Essence, nous allons vers la réalisation de notre vraie nature.


Notre idée est de comprendre nos défauts pour nous confronter à nos limites.


Nous pouvons consciemment corriger notre comportement jusqu'à ce que celui-ci se stabilise dans une nouvelle façon d’être : ces efforts nous mènent vers une transformation profonde vers l’absolu de ce que nous pouvons devenir.


Nous ne pouvons ignorer nos actions, nous nous voyons faire : si nous entreprenons de travailler constamment, la transformation sera là.


La réalisation de « l’être accompli » demande une focalisation sur ce qui est négatif pour le corriger, le rectifier, puis une concentration sur ce qui est positif, nos valeurs et qualités.


Nous allons dissoudre ce qui s’est installé par habitudes et ensuite nous reconstruire dans une conscience ciblée sur les qualités de notre idéal.


Nous verrons les 8 vertus la prochaines fois.